13 Mai 2023
Il y a une vingtaine d’années j’ai ramené de Savoie (Tarentaise, rochers de Notre-Dame-de-Briançon) un pied fructifié complètement sec d’Alyssoides utriculata pour montrer les fruits globuleux à une réunion de détermination du Groupe Nature. En rentrant chez moi j’ai vidé mon sac plastique qui ne contenait que quelques débris de plantes à côté de la maison….
Et un jour, au printemps, j’ai eu la surprise de voir un pied d’une plante à fleurs jaunes qui poussait à la limite du goudron de la cour ! C’était Alyssoides utriculata ! S’il avait poussé un mètre plus loin, il n’aurait jamais fleuri, il serait passé sous la tondeuse !
A partir de fin mars, la plante fleurit, belles fleurs jaunes à 4 pétales, famille des Brassicacées -Crucifères.
Quand la plante a fructifié, j’ai recueilli les graines et je les ai semées à un autre endroit où la tondeuse ne passerait pas.
Fin de la floraison, les fleurs sont fanées, les fruits se développent. Ce sont des silicules subglobuleuses renflées.
Les graines ont été récoltées, ce qui reste ressemble à des mini monnaies du pape, on peut les utiliser en bouquet sec.
Et depuis ce temps, Alyssoides utriculata pousse en abondance chez moi. Je suis même obligée de supprimer des pieds qui poussent à des endroits qui ne conviennent pas !
Cette espèce est très rare en Haute-Savoie, elle n’est connue que d’une seule localité, à Faverges, sous le Roc de Viuz.
Chatelain l’a collectée en 1880 (herbier de Genève). Beauverd la repointe en 1905, il précise : "station naturelle très intéressante". Denis Jordan l’a retrouvée en 1985 "au Roc de Viuz, face sud, sur plusieurs points entre 650 et 720 m."
Elle se maintient dans sa station du Roc de Viuz, sur calcaire, mais elle n’est pas devenue abondante. Et ce n’est pas facile d’aller voir la station. Jadis les pentes du Roc de Viuz étaient en partie cultivées, aujourd’hui des arbres, des arbustes, des ronces ont poussé, il n’y a pas de sentier.
En Savoie la plante est beaucoup moins rare, elle pousse dans les rochers siliceux en Tarentaise et aussi en Maurienne.
… Et chez moi, à Lathuile (près de Faverges, Haute-Savoie), elle pousse en abondance sur un sol calcaire. Quand je vois comme la plante pousse bien chez nous, je ne comprends pas pourquoi elle est si rare dans notre département ! C’est vraiment curieux !
L’Anthophore à pattes plumeuses apprécie particulièrement ces fleurs. Cf article du 01-04-2023 : http://groupenaturefaverges.over-blog.fr/2023/03/l-anthophore-a-pattes-plumeuses-anthophora-plumipes.html
J’ai appris grâce aux chroniques de Daniel Jeanmonod, un botaniste genevois, que cette plante pourrait dépolluer des sols contaminés : « Chroniques hebdomadaires de Daniel Jeanmonod, 29 mars 2022, Mazembroz (Valais), la vésicaire enflée (Alyssoides utriculata) et la phytorémédiation.
https://daniel-jeanmonod.blogspot.com/
… « La plupart des espèces de ce genre comme l’alysson de Robert (Alyssum robertianum) en Corse, ont une particularité assez rare dans le monde végétal : elles sont capables de pousser sur des serpentinites c’est-à-dire des roches contenant des métaux toxiques pour la plupart des plantes comme le Nickel, le Cobalt et le Chrome. Notre espèce, la vésicaire enflée, pousse également souvent sur des serpentinites dans son aire de répartition qui va des Alpes-Maritimes à l’Arménie en passant notamment par l’Italie, la Grèce et la Bulgarie. Des études ont montré qu’elle était capable d’accumuler de grandes quantités de Nickel et qu’elle pourrait donc être utilisée pour dépolluer les sols contaminés. C’est ce que l’on appelle la phytorémédiation. La vésicaire enflée est donc non seulement belle et rare mais également précieuse pour notre avenir. »
La phytorémédiation : du grec « phyton », plante, et du latin « remedium », rétablissement de l'équilibre, remédiation.
Wikipedia : « La phytoremédiation est un ensemble de technologies utilisant les plantes pour réduire, dégrader ou immobiliser des composés organiques polluants (naturels ou de synthèse) du sol, de l’eau ou de l'air provenant d'activités humaines. Cette technique permet également de traiter des pollutions inorganiques, tels qu'éléments traces métalliques ou radionucléides. »
C’est une jolie plante que j’ai plaisir à voir fleurir chaque printemps !
Monique